Les travailleurs sociaux libres

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Maltraitance institutionnelle


Qualité de vie au travail : rompre l’isolement des managers

Quand les managers (directeurs et cadres intermédiaires) des établissements sociaux et médicaux-sociaux sont fortement exposés aux risques psychosociaux. Depuis plusieurs décennies nous pensions  que le burn-out concernait principalement les travailleurs sociaux et marginalement les managers.

 

De nouvelles études démontrent le contraire, les managers sont aussi confrontés à cette maladie le burn-out. TSL

 

Actualités sociales hebdomadaires - ASH

Management Publié le : 

 

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Crédit photo Image Source via AFP

 

A l’heure où la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux deviennent des antiennes dans les établissements sociaux et médico-sociaux, les managers se sentent assez seuls face à leurs propres difficultés. Pourtant, des solutions existent.

 

« Depuis quelques années, les ré­for­mes du secteur, qui supposent de faire “plus et mieux avec moins”, ont intensifié le travail administratif, et offrent moins de temps aux managers pour animer les équipes et prendre soin de leurs collaborateurs. Dans ce contexte, ceux qui ne sont pas préparés, qui n’ont pas les compétences managériales et sociales rencontrent de fortes difficultés. Ils partagent avec leurs salariés les mêmes besoins sociaux, affectifs au travail. La non-satisfaction influe évidemment sur leur santé mentale. » Ce constat de Khaled Sabouné, maître de conférences en management à Aix-Marseille Université, ne date certes pas d’hier. Mais la crise sanitaire est venue amplifier un malaise tangible. « Quand les directeurs évoquent leur vécu, ils font part d’un certain désenchantement, confirme Jean-René Loubat, psychosociologue, docteur en sciences humaines et consultant auprès des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Ceux qui tentent de mener à bien des changements organisationnels ont été interrompus. Il leur faut gérer les remplacements de salariés, des recrutements devenus difficiles, les contraintes supplémentaires avec des directives changeantes… Ils se plaignent beaucoup notamment de l’inconstance des mesures, qui ajoute encore à la complexité de leur fonction. »

 

Même si aucune étude précise ne permet de mesurer le niveau de santé mentale des managers, certains indicateurs inquiètent. Parmi eux, la durée de vie professionnelle des directeurs dans un même établissement. De cinq ans il y a quelques années, elle se réduirait en moyenne à trois ans, selon l’estimation de tous nos interlocuteurs. Sarah, ex-directrice d’un Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) du secteur associatif, qui souhaite rester anonyme, a « tenu » trois ans et demi. « Un record dans cette structure, se souvient-elle. En dix ans, l’établissement avait connu dix directeurs. Mon équipe, à chaque mois passé, me faisait remarquer que j’avais déjà résisté plus longtemps que l’un des précédents chefs… Ce compte à rebours me mettait une vraie pression ! » Le sentiment de solitude a été le premier déclencheur d’un mal-être qui a abouti à un burn-out reconnu comme maladie professionnelle. Un mal-être qui était lié à un périmètre de responsabilités à la fois très large et limité dans les prises de décisions… « Vous êtes cadre dirigeant, vous bénéficiez d’une grande autonomie mais vous n’avez pas de présence au conseil d’administration, vous n’êtes pas responsable du recrutement de vos cadres, et vous n’avez pas de représentants du personnel pour porter votre parole. Vers qui vous tourner quand surgit une difficulté ? »

 

 

Se faire accompagner

 

Rompre l’isolement, mais comment ? Et à qui s’adresser ? La réponse n’est pas toujours simple, d’autant que « les difficultés sont rarement exprimées par les managers eux-mêmes, qui sont le plus souvent considérés, en même temps que les institutions, comme les principales causes des problèmes de RPS [risques psycho-sociaux] de leurs salariés, estime Hervé Gérard, directeur de l’organisme de formation EPE. Ils ont ainsi tendance à garder pour eux leur propre souffrance, ou tentent de l’affronter par un coaching individuel, qu’ils financent eux-mêmes le plus souvent. » Multiplier les occasions de rencontres et d’expression libre est pourtant la voie largement conseillée. « Les managers des établissements sociaux et médico-sociaux ont besoin d’un collectif. Si on ne peut pas changer le système, on doit développer une créativité personnelle qui se démultiplie par l’intelligence collective, explique Sandrine Marquis, consultante en management et organisation du travail au sein de son cabinet Cogitus conseil. Capitaliser les bonnes idées, voire réfléchir à comment détourner un peu les rigidités de l’institution est essentiel. Ainsi que participer à des cycles de formation continue. » Au-delà de l’apport de connaissances, cette voie constitue également, pour Matthieu Petit, directeur d’un établissement d’aide et de soins à domicile en Gironde et formateur notamment à l’institut régional du travail social (IRTS) de Nouvelle-Aquitaine, une des clés pour lutter contre le sentiment de solitude. « Il s’agit d’un ressort fondamental pour alléger une charge mentale trop pesante. Vous n’avez pas beaucoup d’alliés quand vous êtes dans votre établissement. Ce sont des métiers qui demandent énormément d’analyses de situation, notre jugement est parfois biaisé par nos propres convictions, prendre l’avis d’un tiers peut beaucoup aider. »

 

Saisir les occasions d’apprendre et de s’outiller en tant que manager, c’est aussi le conseil de Khaled Sabouné : « Nombre de managers me disent se sentir seuls, isolés, en quête de sens, face à des relations sociales tendues et altérées. Si l’on veut prendre soin des autres, et de soi, il est important d’investir dans le développement de ses propres ressources. »

 

Des pistes à explorer

 

Se donner du temps certes, mais les institutions le permettent-elles ? L’idée semble faire son chemin, mais doucement. Aménager des espaces d’échanges et de réflexion spécifiques par l’analyse des pratiques est conseillé par Arnaud Barillet, intervenant en qualité de vie au travail à l’Aract (agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail) Nouvelle-Aquitaine. « Mais pour le moment, les analyses et échanges de pratiques sont peu communes pour les managers, directeurs ou cadres intermédiaires. Nous proposons et valorisons cette méthode, y compris entre des professionnels d’établissements différents. » Guillaume Boucheron, responsable de la protection sociale et de la santé au travail au sein du pôle « affaires sociales » de Nexem, observe cependant « une évolution des pratiques de codéveloppement professionnel dans des établissements, qui peut apporter une réponse aux difficultés spécifiques de la profession. D’une manière générale, il y a 10 ou 15 ans, quand on évoquait les thématiques de la santé au travail et des RPS, certains avaient la crainte d’ouvrir la boîte de Pandore. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, en témoignent les actions dédiées mises en place. » Favoriser les échanges entre directeurs, c’est une des initiatives d’APF France handicap, qui leur propose un espace spécifique. « Nous avons mis en place, notamment, une instance ad hoc, l’“instance de concertation des directeurs de structure”, pilotée par la direction générale, explique Aurélia Garavana, responsable « qualité de vie au travail et handicap » au sein de l’organisation, qui réunit un collège de directeurs désignés par leurs pairs. Nous sommes dans le partage d’informations, le recueil des points de vue quand une démarche est mise en œuvre, et cette instance leur permet de témoigner et d’échanger sur des situations problématiques, individuelles et collectives, y compris sur la santé et les RPS. Les salariés ont leurs représentants du personnel, pas les directeurs, c’est donc une instance qui leur permet une expression spécifique. »

 

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Recrutement : un stress majeur
 

Touchant directement les équipes, et donc les managers, « la question des difficultés de recrutement apparaît au premier rang des sources de stress, constate Céline Toussaint, responsable de formation Cafdes-Caferuis(1) à l’IRTS Nouvelle-Aquitaine. Même quand on est le meilleur cadre du monde, quand on ne trouve personne, on ne trouve personne ! » Recours à l’intérim, organisation du travail à redéfinir, démotivation des équipes… « On ne peut pas leur demander de résoudre seuls ces problèmes. En tant qu’organisme de formation, la question est de savoir comment on revalorise le secteur du travail social pour soutenir les directeurs d’établissement. » Autre source de difficulté, renforcée par la crise sanitaire : l’émergence du télétravail, qui porte « un vrai risque de burn-out », selon Hervé Gérard, directeur d’EPE Formation. « Le manager est confronté à une perte de repères des salariés et à la nécessité de développer l’autonomie et le contrôle du travail. Dans un monde où la tradition orale domine, c’est un risque de stress supplémentaire pour les salariés, et donc pour les managers. »

 

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Notes
(1) Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale-Certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale.

 

DOMINIQUE PEREZ

 

 

Pour la revalorisation des diplômes , des salaires et des métiers du travail social, cliquer sur pétition

 

Source : https://www.ash.tm.fr/hebdo/3238/management/rompre-lisolement-des-managers-685664.php

 


21/12/2021


Licenciement : ils dénoncent des maltraitances sur enfants et gagnent au Prud'hommes

 

Ils ont fait preuve de professionnalisme et de courage face à leur direction. Soutien de TSL aux travailleurs sociaux qui ont été licenciés au motif qu'ils ont oser dénoncer des faits de maltraitance sur des enfants. 

Des pensionnaires et salariés d’un centre éducatif d’Uzos, près de Pau, dénoncent des actes de maltraitance. La direction évoque « une volonté de nuire » et des enfants manipulés.

Le parquet de Pau avait diligenté une enquête préliminaire après des dénonciations de faits de maltraitance dans un centre éducatif pour adolescents en difficulté.

 

Le service d’hébergement socio-éducatif Tandem Educadis 64, structure privée à laquelle l’Aide sociale à l’enfance confie des adolescents en difficulté, avait ouvert en juillet 2017. Un mois plus tard, plusieurs salariés alertaient leur hiérarchie sur de supposées violences de l’un de leurs collègues.

 

Uzos : deux des salariées du centre éducatif qui dénonçaient des maltraitances gagnent aux prud’hommes

Uzos : deux des salariées du centre éducatif qui dénonçaient des maltraitances gagnent aux prud’hommes

Le centre éducatif est situé sur les hauteurs d'Uzos, près de Pau

 

Deux employées qui avaient signalé des violences présumées de leurs collègues en 2017 avaient poursuivi Tandem Educadis aux prud’hommes.

 

« La mise à pied conservatoire ne s’imposait pas au vu des griefs formulés mais aussi du contexte lié à un signalement auprès des autorités administratives » : par cette formule, le tribunal des prud’hommes de Pau a approuvé la demande de deux salariées du centre Tandem Educadis d’Uzos.

 

Les employées avaient quitté leur travail quelques semaines après avoir signalé, en 2017, des violences présumées dans ce centre qui accueille des adolescents en difficulté. Toutes deux avaient été licenciées, l’une d’elles après avoir été victime d’un accident du travail.

 

Une enquête a été ouverte en 2018, qui est toujours entre les mains de la justice.

 

Le tribunal a reconnu un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et condamné l’entreprise à les dédommager (autour de 8 000 et 9 000 euros chacune, ainsi que les frais de justice).

Une troisième employée, qui avait dénoncé des faits comparables, courant 2018, doit prochainement voir son cas examiné par les prud’hommes.

 

Source : https://www.sudouest.fr/2020/02/06/uzos-le-centre-educatif-condamne-pour-avoir-licencie-deux-salariees-qui-denoncaient-des-maltraitances-7160773-4446.php?fbclid=IwAR2RvvaQ1zEJmLEKhS2qHm8u9mPAYCDlrHnQgCYLqlf_I_c3WYWshXsj_JY


11/02/2020


Le malaise des travailleurs sociaux : usure professionnelle ou déni de reconnaissance ?

En 2008, des chercheurs du CNRS donne leur analyse d'une enquête qu'ils ont réalisé sur la problématique de l'usure professionnelle des travailleurs sociaux, de la violence et du manque de reconnaissance de leurs métiers. Toutefois, il est important de préciser que bien avant cette enquête, nous constatons une augmentation massive des violences et des agressions physiques à l'encontre des travailleurs sociaux, par les personnes en demande d'aide et des institutions.

 

Douze années après (2020), cette étude du CNRS sur le malaise des travailleurs sociaux reste toujours pertinente et d'actualité. Cette somme de connaissance est une source d'enrichissement pour la compréhension des mécanismes qui sont à l'oeuvre dans le processus des "risques psycho-sociaux". 

 

Le texte fluide est écrit dans un langage soutenu, dans un style scientifique et didactique, le décryptage est accessible et à la portée de tous.

 

Pour cette année 2020, TSL est dans l'attente d'une autre étude qui sera réalisée par des chercheurs, sur le phénomène de la violence dans le travail social comme fait de société, pouvant conduire à des actes extrêmes.

 

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Les travailleurs sociaux sont-ils usés ? De la confrontation répétée à des usagers pour qui aucune solution ne semble possible à la complexification des métiers, l’exercice de la profession de travailleur social s’approche souvent de la mission impossible. Sur le terrain, les inquiétudes sont vives et le malaise professionnel patent : nombreux sont ceux qui, parmi les professionnels du travail social, disent ne plus savoir définir le sens de leur métier.

 

Ils arrivent cependant, le plus souvent, à surmonter leur découragement, voire leur épuisement. Quel statut donner alors aux nombreuses plaintes qui remontent du terrain ? Sont-elles des indicateurs fiables de l’usure professionnelle ou bien ne sont-elles que du discours « subjectif » ?

 

Ne faut-il pas plutôt les analyser à l’aune des épreuves que les travailleurs sociaux traversent dans l’exercice de leur métier, au gré des nombreuses contradictions de l’action et des nombreuses tensions du secteur, souvent seuls et sans filet ?

 

Pour tenter de répondre à ces questions, une enquête a été menée pendant une année sur cinq terrains différents : un service municipal de la petite enfance, deux territoires d’action sociale de conseils généraux en milieu rural et urbain, un centre d’accueil de jour et une structure spécialisée dans la supervision des pratiques professionnelles en travail social.

 

Elle repose sur une analyse conjointe de la configuration clinique de la plainte des professionnels, du contexte de transformation des métiers du social et de ses cadres d’actions les plus contradictoires, ainsi que des formes d’appui et de soutien professionnel qui permettent aux travailleurs sociaux de surmonter les difficultés rencontrées.

 

Elle débouche sur une critique des modalités institutionnelles et gestionnaires actuelles qui visent à mesurer individuellement les compétences professionnelles sans les rapporter aux nombreuses tensions caractéristiques de l’exercice contemporain du travail social. Ce faisant, ces nouveaux modes de gouvernance s’interdisent de reconnaître les efforts particuliers déployés par les intervenants pour continuer, malgré tout, à « bien faire leur travail ».

 

Usure professionnelle et syndrome d’épuisement

 

L’usure professionnelle a commencé par désigner les phénomènes d’épuisement liés à la prise en charge répétée d’usagers réputés difficiles, voire «inguérissables». Les travailleurs sociaux concernés sont plutôt des éducateurs spécialisés confrontés à des publics du secteur de l’inadaptation sociale, du handicap et de l’enfance en danger.

 

Le problème est donc principalement posé dans la sphère de la relation éducative en milieu fermé. On parle alors de burn out, notion forgée dans le champ de la santé qui désigne un «syndrome d’épuisement professionnel» menaçant prioritairement des agents impliqués dans la relation d’aide avec le public. 

 

Mais, si ce syndrome touche les travailleurs sociaux, il les atteint moins que les personnels de santé (médecins généralistes, infirmiers, agents hospitaliers.

 

Depuis l’avènement de la «nouvelle question sociale», nombre d’observateurs émettent l’hypothèse d’un élargissement du burn out à d’autres sphères du travail social, notamment du côté des dispositifs où les intervenants sont confrontés aux personnes en grande difficulté sociale et à leurs situations inextricables (comment, par exemple, tenir la relation d’aide auprès de personnes en attente de logement sans avoir aucune solution à leur offrir?).

 

Bien qu’ayant été exposés à de telles difficultés, la plupart des travailleurs sociaux rencontrés ne relèvent pas des symptômes caractéristiques de l’épuisement professionnel : taux élevé d’absentéisme, fatigue physique particulière (comme on l’observe chez les agents hospitaliers par exemple), turn-over important ou sorties précoces de la carrière.

 

Elargissement du malaise professionnel et installation du ressentiment

 

Si l’épuisement professionnel n’est pas repérable au regard de ce genre de symptômes, de vives inquiétudes ont, par contre, été consignées dans tous les secteurs et à tous les niveaux de l’intervention sociale, chez les intervenants du front comme chez les agents et les cadres de « l’arrière », chez les professionnels les plus précaires ou les plus qualifiés. Mais, au contraire du syndrome d’épuisement qui envisage la souffrance au travail sous l’angle de l’individu, les plaintes recueillies renvoient à l’ensemble du système d’action, au-delà de la situation relationnelle intervenant/usager.

 

Cette généralisation du problème de l’usure professionnelle à l’ensemble du travail social semble alors désigner le malaise des professionnels qui ont vu en deux décennies l’exercice de leur métier bouleversé : extension de la vulnérabilité des usagers, diversification des publics, multiplication des dispositifs et des procédures parfois dénués de mode d’emploi, rationalisation et division du travail, approfondissement de la décentralisation, renforcement de la logique de gestion et de contrôle, priorité donnée au droit des usagers, individualisation de la relation d’aide, etc.

 

Confrontés à des cadres d’action multiples et contradictoires, les travailleurs sociaux doivent composer avec différents repères et de nouveaux référents. Jusqu’à parfois ne plus pouvoir s’appuyer sur leurs qualifications initiales et leurs compétences habituellement reconnues. Il leur devient dès lors très difficile de développer une expérience professionnelle propre, ce qui s’accompagne du sentiment d’avoir perdu le sens du métier. Le ressentiment s’installe.

 

Dynamique de la plainte et épreuves de professionnalité

 

On pourrait penser que, comme pour d’autres métiers, le malaise que peut ressentir le professionnel à propos de son activité commence par se construire dans un « rapport subjectif normal au travail » qui consiste en un « équilibre instable, fondamentalement précaire, entre souffrance et défenses contre la souffrance ».

 

En d’autres termes, les plaintes ne sont-elles pas le lot habituel des professions du travail social confrontées aux multiples contradictions et autres paradoxes d’un secteur de plus en plus complexe, où se juxtaposent des procédures et des droits incompatibles entre eux ?

 

Le ressenti serait une manière d’exprimer son identité professionnelle, au sens d’une « stratégie d’affirmation de soi », le support d’une « demande de reconnaissance sur fond de malaise », une manière pour les travailleurs sociaux de monter en généralité des impressions subjectives, une façon de se réassurer collectivement en tenant un discours commun sur un groupe socioprofessionnel éclaté, caractérisé par une grande diversité des pratiques.

 

Le caractère ordinaire de la plainte professionnelle dépasse largement l’activité de doléance. L’attention portée à la mise en forme de la plainte des professionnels permet au contraire de reconstruire, à l’échelle de la carrière individuelle du travailleur social, l’enchaînement des expériences professionnelles multiples et éprouvantes à partir desquelles l’agent construit ou déconstruit le sens qu’il donne à son travail, comme étant un travail impossible, fatiguant, usant, etc.

 

C’est également à partir de la description des plaintes qu’on peut observer leur capacité à surmonter les difficultés objectivement attestées, à résister ou endurer et à poursuivre l’activité professionnelle. Ainsi entendue, la dynamique de la plainte recouvre un enchaînement d’épreuves au double sens du terme : éprouver la difficulté du travail, mais aussi et indissociablement faire la preuve de ses capacités à bien le faire.

 

Ces épreuves dessinent un parcours professionnel, au sens d’une expérience entendue comme un chemin d’épreuves, dans une tension entre atteintes à la professionnalité (l’exercice de la profession est menacé) et demandes d’appui à la professionnalité (l’exercice de la profession suppose de faire sans cesse la preuve de ses capacités).

 

La reconsidération professionnelle des usagers, entre standardisation et singularisation des pratiques

 

Les transformations du rapport de l’intervenant à l’usager fournissent un bon exemple des épreuves de professionnalité que traversent les travailleurs sociaux. On l’a dit, les usagers ne sont pas identifiés comme cause première du malaise des travailleurs sociaux, quand bien même leur violence ou leur exigence est souvent mentionnée. C’est que la question du rapport à l’usager ne se réduit pas au face-à-face avec l’intervenant, mais s’étend aux multiples tensions qui caractérisent les nouvelles manières de percevoir l’usager et d’agir avec lui. L’usager est triplement reconsidéré.

 

D’une part, les publics sont de moins en moins appréhendables selon les catégories classiques de l’assistance, mais à partir de la singularité de leur situation difficile, définies à partir du faisceau enchevêtré de leurs problèmes. De ce point de vue, les demandes d’aide sont toujours plus personnalisées.

 

D’autre part, la promotion de la responsabilisation et de l’activation de l’usager, qui va de pair avec l’extension de ses droits, suppose de s’approcher au plus près de ses problèmes mais aussi de ses ressources.

 

Enfin, l’usager a dorénavant davantage son mot à dire sur l’intervention qui lui est proposée et le cas échéant il peut définir le problème comme il l’entend; s’agissant des questions de parentalité, par exemple, il est même invité à faire valoir ses prérogatives en la matière, ce qui a de quoi déstabiliser l’idéal éducatif des travailleurs sociaux.

 

Cette triple reconsidération condamne le travailleur social à personnaliser son intervention, à prendre des initiatives pour s’ajuster à la situation, et donc à puiser dans des ressources spécifiques, celles qui lui sont les plus personnelles et, pourrait-on ajouter, «hors professionnelles».

 

Parallèlement, la relation intervenant/usager est cadrée par les prescripteurs. Les exigences organisationnelles de rationalisation du travail social poussent à standardiser les pratiques professionnelles (les « bonnes pratiques »), par exemple à définir et contrôler le temps imparti aux procédures d’accueil, d’écoute et de suivi des personnes en difficulté.

 

Le travailleur social se trouve alors pris dans des contradictions entre le temps prescrit et le temps réel de l’intervention, entre un surcroît d’investissement personnel et une exigence de neutralité professionnelle, entre une approche des problèmes définie in situ par l’usager ou prédéfinie par les savoirs stabilisés du professionnel. Ce n’est pas la confrontation avec des publics difficiles ou excédés qui pose problème aux travailleurs sociaux, mais le fait qu’ils s’emploient à maintenir la possibilité même de cette confrontation.

 

Le problème n’est pas tant le face-à-face avec des usagers agressifs, violents, complexes ou exigeants, que la difficulté à tenir la durée nécessaire à une écoute adaptée à la personnalité de l’usager ; une durée et une qualité de la relation inconciliables avec les contraintes de temps et les standards de gestion impartis par les institutions.

 

Ces contradictions sont particulièrement visibles dans les lieux de prise en charge des usagers qui accumulent des difficultés (au premier rang desquels les sans domicile). En effet, plus les situations sont inextricables, plus les profils et les dispositifs professionnels sont instables et « urgentisés » ; ce qui ne favorise guère la vigilance éthique…

 

Découragement et manque d’appui institutionnel

 

Redisons-le, les contradictions sont l’ordinaire du travail social. Savoir les gérer ne constitue pas la moindre des compétences des travailleurs sociaux. Cependant, elles deviennent problématiques lorsqu’elles sont douloureusement ressenties, notamment parce qu’elles renvoient aux difficultés à bien faire son travail. En ce sens, les mécontentements, les griefs, les protestations ou les reproches que les professionnels instruisent à partir de leur expérience s’adressent en premier lieu à leur institution, source principale de lassitude et d’exaspération.

 

Les formes de la plainte sont doubles. Premièrement, les travailleurs sociaux se trouvent pris dans une injonction paradoxale où on les somme de procurer de l’aide, alors que les ressources disponibles ne cessent de se réduire. En miroir de la souffrance d’une population censée être soutenue, les travailleurs sociaux n’ont parfois d’autre proposition à offrir que leur propre impuissance et celle de leur employeur.

Le découragement des travailleurs sociaux est généralement lié à la mise en échec continuel de leur mission qui les conduit à vivre douloureusement un sentiment d’inutilité.

 

Deuxièmement, les travailleurs sociaux se plaignent de l’incapacité de leurs supérieurs hiérarchiques et autres donneurs d’ordre à reconnaître leurs efforts et leurs initiatives pour que le travail soit fait correctement malgré les prescriptions contradictoires.

 

En d’autres termes, la part d’invention, de créativité, nécessaires pour combler le décalage entre le travail prescrit et le travail réel n’est pas reconnue. Lorsqu’elles sont prises en compte, les initiatives personnelles semblent reconnues de façon formelle, les critiques des intervenants n’ayant plus prise sur l’organisation du travail, voire sur la culture professionnelle légitime.

 

Mais il est également question de l’absence de soutien (tant sur le plan de la présence que de la responsabilité) des supérieurs hiérarchiques dans les situations les plus difficiles. Le malaise professionnel renverrait au défaut de collectifs fondés sur une culture professionnelle commune de référence entre les managers et les intervenants, collectifs capables de soutenir institutionnellement l’exercice de plus en plus personnel des travailleurs sociaux.

 

La demande de soutien collectif

 

La mutualisation des épreuves de professionnalité qui se joue dans le travail en équipe – les temps de rencontres informelles, les régulations institutionnelles, les groupes d’échanges, les dispositifs d’analyse de la pratique, la formation continue, les associations professionnelles, le syndicalisme de branche, etc. – est nécessaire à la construction de l’expérience professionnelle, aussi singulière soit-elle.

 

Si le professionnel est toujours la personne la mieux placée pour décrire et analyser son travail, la définition qu’il donne de sa pratique n’est acceptable pour la communauté professionnelle que si cette reprise de l’expérience se fait de manière collective. Or, et c’est l’un des fondements de la plainte des travailleurs sociaux, le défaut de mutualisation de l’expérience professionnelle semble partout constaté.

 

L’extension de la demande d’analyse de la pratique partout vérifiée, signale ce défaut de mutualisation sans toutefois le régler. La demande, qui selon notre étude a plus que triplé ces cinq dernières années, touche dorénavant l’ensemble des nouveaux secteurs, la quasi-totalité des métiers et des statuts.

 

Elle n’émane plus seulement des travailleurs sociaux ou de leurs chefs de service dans un souci de soutien à la profession (maniement de la relation d’aide, besoin de « déposer » des situations difficiles et trop chargées d’affect, etc.), mais peut venir des cadres gestionnaires, dans une démarche d’élaboration d’une culture professionnelle commune et de « référentiels métiers », ou encore des comités d’hygiène et de sécurité des établissement dans une dynamique de prévention de la souffrance au travail.

 

À cette diversification, correspond un éclatement de la demande. Dédiée au soutien des professionnels, l’analyse de la pratique peut être par exemple mobilisée pour régler des problèmes institutionnels non traités ad hoc. Ce qui conduit les groupes d’analyse de la pratique à se substituer à la vie institutionnelle de l’établissement et, notamment, aux temps de régulation entre cadres et professionnels. Ce télescopage entre le travail institutionnel et l’analyse de la pratique conduit ces collectifs à des activités prescriptives et non plus élaboratives (qui prennent le temps de la réflexion et de l’analyse avant celui de la décision).

 

Cette confusion des genres pose problème : il n’y a plus de place pour l’élaboration par les professionnels de la tension entre le travail prescrit et le travail réel, activité pourtant au fondement de toute analyse de la pratique. Cet éclatement de la demande montre que l’enjeu n’est plus celui d’un appui aux professionnels (et donc de professionnalité), mais d’un appui à l’activité professionnelle elle-même (et donc de conduite, de gestion et d’évaluation de l’action).

 

La reconfiguration de l’autonomie des travailleurs sociaux

 

Les travailleurs sociaux exercent leur métier dans une grande autonomie et habituellement «sans filet». L’autonomie professionnelle des travailleurs sociaux se constitue à partir de l’engagement dans l’activité de leurs dispositions subjectives et personnelles.

 

Traditionnellement (depuis l’avènement du travail social comme profession), coexistent deux plans de l’autonomie, celui du travail envisagé comme une affaire personnelle (le travail comme vocation) et celui du travail envisagé comme «auto-conception professionnelle» (le travail comme résultat d’une expérience particulière).

 

Un troisième plan, beaucoup plus actuel, celui de la compétence (le travail comme injonction à l’initiative personnelle), est venu s’ajouter aux deux autres, mais dans un système de tensions tel que le travailleur social est dans l’incapacité de se construire une ligne de conduite propre et appropriée.

 

Au cœur de ce modèle, la notion de compétence permet d’insister sur le « caractère contextualisé et personnalisé d’une action», sur «la pertinence des initiatives prises et des responsabilités assumées», sur la «capacité à s’ajuster et évoluer», sur «la mise en œuvre autonome des capacités mises à disposition de l’organisation»; en un mot, «le professionnel est celui qui au travers de son savoir et de son expérience accumulée possède un large répertoire de situations et de solutions».

 

Alors même que les dispositions subjectives, les qualités personnelles deviennent des outils de travail, le travail social se rationalise et se standardise comme jamais. Le paradoxe ne peut plus être contenu. Tant que l’engagement subjectif dans le travail est réfléchi collectivement par des professionnels solidaires, les qualités personnelles sont mobilisables comme ressources de l’autonomie professionnelle et participent à l’activité. Mais, avec la généralisation des référentiels de compétences, les dispositions subjectives sont redéfinies comme des outils de travail standard et entrent en tension avec l’autonomie liée à la particularité et à la singularité de l’expérience.

 

Le travailleur social y perd finalement son autonomie (voire son âme), puisqu’il doit agir de lui-même avec des injonctions, non pas à être autonome (c’est le paradoxe fondateur de l’autonomie), mais à l’être d’une certaine façon.

 

En ce sens, la logique d’encadrement actuelle visant à mesurer individuellement les compétences s’interdit de mesurer les épreuves de professionnalité et, par conséquent, l’ensemble des contraintes rencontrées par les professionnels dans leurs activités les plus difficiles (commande institutionnelle, règles de gestion, instances d’évaluation, relations hiérarchiques, tension entre les prescriptions et les pratiques, etc.). L’autonomie des travailleurs sociaux ne peut donc se faire sans reprise des expériences professionnelles et son lot d’épreuves.

 

Lorsque les situations sont surmontables, que les prescriptions sont tenables et que les statuts des intervenants ne sont pas précaires, ces reprises de l’expérience permettent de dénouer les problèmes en les rapportant aux contextes institutionnels, organisationnels, situationnels ou biographiques de l’exercice du métier.

 

Deux formes de reprises de l’expérience peuvent dès lors être schématisées. Celle des professionnels expérimentés, généralement dotés d’un solide self contrôle et d’un statut professionnel établi. Habitués à « gérer » les contradictions, « sujets de leurs pratiques », ils sont capables d’une grande réflexivité. En cas de difficulté, ils restent adossés à leurs institutions d’exercice, bien que critiques notamment lorsqu’elles ont abandonné leurs valeurs fondatrices. C’est dans cette adversité que les travailleurs sociaux trouvent l’énergie nécessaire au maintien de leur action.

 

D’autres intervenants sont moins stabilisés dans un statut professionnel fort, plus engagés dans l’action, travaillent davantage leur subjectivité au risque de perdre quelque peu la maîtrise de la situation. Plutôt enclins à suivre les problèmes tels qu’ils se posent sur place qu’à répondre par des solutions prédéfinies, ces travailleurs sociaux expérimentent sans cesse les nombreuses voies ouvertes par l’indétermination des rencontres avec les usagers, au risque parfois d’un dépassement des règles prescrites.

 

Dans ce cas, la reprise de l’expérience se joue au plus près des situations et de leur singularité, par expérimentations successives, dans une certaine forme d’incertitude. Il s’agit de tirer les leçons des innovations et des initiatives pour en évaluer la pertinence éthique et pratique ; en un mot pour les valider ou non.

 

Critique ou subjective, la reprise des expériences peut difficilement rester un exercice solitaire : autonomie ne signifie pas isolement.

 

Les épreuves de professionnalité ont beau être vécues de façon personnelle, elles demeurent une affaire collective, tant du point de vue des atteintes à la professionnalité (les travailleurs sociaux ne sont pas seuls responsables de ce qui leur arrive) que de son soutien (la mutualisation des expériences professionnelles est au fondement éthique de toute reprise de l’expérience professionnelle). Groupes d’échanges entre praticiens, dispositifs d’analyse de la pratique, associations professionnelles, groupements de formation continue : les collectifs de travailleurs sociaux réflexifs sont des vecteurs essentiels de construction et de reconnaissance de leur professionnalité. Leur existence est devenue un enjeu majeur pour le travail social.

 

Certes, ces collectifs ne peuvent prendre en charge toutes les questions posées par l’exercice du travail social et leur légitimité n’est pas toujours assurée, d’autant plus que leur standardisation constituerait un véritable danger.  Pourtant, comme l’expérience de chacun leur permet d’élaborer une éthique partagée, ils constituent le support principal de l’autonomie des travailleurs sociaux.

 

 

Par Bertrand Ravon (dir.), avec Geneviève Decrop, Jacques Ion, Christian Laval, Pierre Vidal-Naquet Université de Lyon, Mondes et dynamiques des sociétés (MoDys) - UMR CNRS 5264

 

Source : http://www.onpes.gouv.fr/IMG/pdf/BAT_Lettre_6.pdf

 


04/02/2020


Résilience : Les travailleurs sociaux sont t-ils formés pour « encaisser » une forte pression au travail ?

TSL vous présente cet excellent article de Didier Dubasque, sur la résilience, le stress, la pression et l'épuisement professionnel au travail, c'est expliqué avec pertinence et subtilité. 

 

Beaucoup de travailleurs sociaux subissent une pression énorme. Ils ne peuvent pas compter uniquement sur leur résilience.

 

Selon Dider Dubasque : "Le stress et l’épuisement professionnel ne sont pas surprenants compte tenu de la nature des problèmes auxquels les travailleurs sociaux sont quotidiennement confrontés..."

 

Article du Blog Didier Dubasque - Publié le 24 août 2019

 

 

Il est un peu facile de considérer que les travailleurs sociaux sont formés pour « encaisser » une forte pression au travail qui serait liée  aux situations très dégradées qu’ils rencontrent. Leur propre capacité de résilience ne peut suffire pour répondre aux différents stress qu’ils subissent au quotidien.

 

Le terme  de «résilience» est de plus en plus utilisé dans le travail social pour faire référence d’abord à la capacité de la personne de se reconstruire mais aussi à l’idée de la force « innée » du professionnel. 

 

Cette force permettrait à chacun de se remettre de tout traumatisme ainsi que de tout stress engendrés par le fait travailler avec des personnes en difficulté. Cette résilience permettrait aux travailleurs sociaux de développer toute une gamme de «stratégies d’adaptation» pour neutraliser les effets négatifs de la relation de souffrance qu’ils accueillent et de leur conscience aiguë des inégalités sociales dont ils sont les témoins.

Enrayer le flux de travailleurs quittant la profession

Il faut pouvoir enrayer le nombre de travailleurs qui quittent leur poste voire leur profession. Les services sociaux sont en effet confrontés à des problèmes persistants de recrutement et de maintien en poste.

On parle du manque d’attractivité des métiers et du besoin de reconnaissance (...) il faut aussi des rémunérations à la hauteur des responsabilités.

 

Il est nécessaire de ralentir le rythme de l’épuisement professionnel – estimé actuellement à sept ans en Grande Bretagne et réduire l’augmentation du nombre de travailleurs sociaux en situation de burn out.

 

Le stress et l’épuisement professionnel ne sont pas surprenants compte tenu de la nature des problèmes auxquels les travailleurs sociaux sont quotidiennement confrontés : abus d’enfants et de personnes âgées, violences intrafamiliales, angoisses liées aux expulsions, à la perte d’emploi, dépressions, maladie mentale et pauvreté, pour n’en citer que quelques-uns. 

 

Ces problèmes font partie de leur quotidien. C’est leur job direz-vous. Certes mais ils sont aussi confrontés  à un système trop bureaucratisé, aux réductions budgétaires et à la condamnation régulière de la part des médias (notamment lorsqu’ils travaillent à l’aide sociale à l’enfance), et de la société en général qui considère que les travailleurs sociaux aident ceux qui ne le méritent pas. Tout cela affaiblit  la profession.

La résilience est utile mais ne peut pas tout

La résilience semble être devenue une sorte de panacée pour le travail social. En Angleterre, l‘organisme de réglementation de la profession, le Conseil des professions de la santé et des soins (HCPC), stipule que la résilience est un élément que les praticiens doivent développer pour être considérés comme «apte à exercer».

 

Le fait de se concentrer sur les faiblesses potentielles d’un travailleur social pour ensuite lui permettre de développer sa résilience ne contribuera en rien à résoudre les problèmes structurels qui ont une incidence sur la vie des praticiens et des utilisateurs de services. 

 

Des facteurs tels que la pauvreté, la réduction des moyens notamment affectés à la santé mentale, le « saucissonnage »  des systèmes d’aide et le manque de solutions de logement abordables ou adéquates à long terme sont des problèmes majeurs qui ont un effet corrosif sur la résilience des professionnels qui s’efforcent de promouvoir le changement. Il leur faut aussi un soutien adéquat que l’on trouve de moins en moins notamment lorsque le management est défaillant.

 

La perception de la résilience à la fois comme un trait professionnel indispensable à la pratique du travail social en tant que méthode de travail avec ceux qui ont besoin d’aide est troublante nous expliquent Anastasia Maksymiuk and Andy WhitefordElle fait du tort à ceux qui ne peuvent pas faire preuve d’une telle robustesse au quotidien. La dure réalité de travailler et de vivre dans une culture de la culpabilité individuelle est pour beaucoup implacable et impitoyable.

 

Ces deux auteurs concluent leur article en précisant que ceux qui sont incapables de faire preuve de résilience risquent d’être réduits au silence. « Leur silence pourrait amoindrir la capacité de la société à remettre en cause le statu quo, les individus cherchant uniquement à tirer parti de leurs ressources internes plutôt que collectivement à tenter de résoudre les problèmes politiques, structurels et économiques ».

 

Aujourd’hui, les travailleurs sociaux sont toujours dans le risque de se trouver dans un état d’anxiété élevé, cela pourrait s’aggraver notamment s’il leur est demandé d’accepter leur sort et de considérer qu’ils ne sont pas suffisamment résilients.

 

Il leur faut un management humain et compréhensif structuré sur des valeurs et des compétences spécifiques issus de la connaissance des pratiques professionnelles. Malheureusement, il semble que cela fasse défaut dans de trop nombreux  services.

 

Didier Dubasque


Source : https://dubasque.org/2019/08/29/les-travailleurs-sociaux-subissent-une-pression-enorme-ils-ne-peuvent-pas-compter-uniquement-sur-leur-resilience/

 

 

 

 

 


04/02/2020


Justice : Les dirigeants d'un IME mis en examen pour des faits de violence grave sur des enfants polyhandicapés

"Je n'y croyais plus, je ne m'y attendais pas" dit Céline Boussié. A l'annonce de la mise en examen des dirigeants de l'ex IME Moussaron, la lanceuse d'alerte ne cache pas son émotion. 

 

TSL apporte son entier soutien à cette travailleuse sociale courageuse qui pour protéger des enfants en danger n'a pas hésité a faire des signalements. Elle est la première a révéler des faits de violence grave sur les enfants, adolescents et jeunes adultes polyhandicapés pensionnaires de l’Institut Médico-Educatif gersois.

 

Céline n'a pas hésité a le signaler à sa direction qui l'a harcelé, elle c'est donc tourné vers la justice qui lui a donné raison.

 

Nous souhaitons à Céline Boussié une bonne continuation et la réussite dans sa nouvelle vie.

 

Article France 3 région : Publié le 

 

Gers : la lanceuse d'alerte Céline Boussié n’y croyait plus, les dirigeants de Moussaron mis en examen pour harcèlement

 

Céline Boussié a été la première à dénoncer la maltraitance au sein de l'IME PHOTOPQR/LA DEPECHE DU MIDI

 

"Je n'y croyais plus, je ne m'y attendais pas" dit Céline Boussié. A l'annonce de la mise en examen des dirigeants de l'ex IME Moussaron, la lanceuse d'alerte ne cache pas son émotion. C'est la première fois que ceux dont elle a dénoncé les agissements en 2013 sont visés par l'enquète.

 

Le juge d’instruction d’Auch vient de prononcer la mise en examen pour harcèlement moral des dirigeants de l’ex IME Moussaron à Condom. Une décision qui fait suite à la plainte déposée par Céline Boussié qui fut la première à révéler des faits de violence sur les enfants, adolescents et jeunes adultes polyhandicapés pensionnaires de l’Institut Médico-Educatif gersois où elle travaille en qualité d'éducatrice.

 

J’ai alerté ma hiérarchie et l’Agence Régionale de Santé dès 2010. Ces alertes n’ayant rien donné, j’ai dénoncé publiquement les violences dont j’étais témoin.

Suite à ma plainte déposée pour harcèlement moral, le Juge d'instruction a procédé à la mise en examen des membres de l'équipe de direction Moussaron.

 

Je remercie mon avocate, Me Alma Basic, pour son travail.

Pour Céline Boussié, qui a elle-même annoncé cette mise en examen sur son compte Facebook, c'est l’aboutissement de longues années de combat et de procédures.

Une vie bouleversée

En dénonçant les mauvais traitements infligés aux enfants et aux adolescents accueillis par le centre Moussaron, Céline Boussié n’imaginait pas que sa vie allait être totalement bouleversée.

 

IME de Moussaron : la lanceuse d'alerte Céline Boussié relaxée

 

Pourtant, il lui était inimaginable de fermer les yeux face au manque de soins apportés aux pensionnaires, impensable de laisser faire face aux enfants attachés et enfermés, insupportable de ne pas parler face au manque d’intimité, aux traitements médicamenteux inadaptés ou aux lits trop petits.

Il m’était impossible de me taire. Outre le fait que ne pas dénoncer ces agissements est passible de 3 ans de prison et 45000 euros d’amende, il était humainement et éthiquement impossible de fermer les yeux.

 

Des dénonciations qui vaudront à Céline Boussié d’être licenciée en 2014 et poursuivie en diffamation par son ex-employeur. Elle sera relaxée en novembre 2017 par le tribunal de Toulouse, une première en France pour un lanceur d’alerte.

 

Un lanceur d’alerte voit sa vie complètement bouleversée. Vous êtes embarqué dans une spirale au-delà du rouleau compresseur. Vous voyez votre vie voler en éclats. Vous n’en sortez pas sans séquelles. Aujourd’hui encore entendre un enfant qui pleure c’est compliqué, entendre des cris c’est compliqué, réintégrer une vie normale est presque impossible.

 

Maître Alma Basic, avocate de Céline Boussié « Ma cliente a été victime d’un harcèlement dur. Elle a été dévalorisée dans son travail. Dès qu’elle a médiatisé les agissements internes à l’IME, la direction a mis en place un système de mise à l’écart ».

 

Céline 2

Le 21 novembre 2017, Céline Boussié sort du tribunal de Toulouse qui vent de la relaxer PHOTOPQR/LA DEPECHE DU MIDI

Des années de silence

Avant Céline Boussié, d’autres salariés de Moussaron avaient dénoncé les mêmes maltraitances. Le premier signalement remonte à 1995. Didier, éducateur, dénonce des dysfonctionnements.  Poursuivi pour diffamation, il sera condamné.
En 1999, deux éducatrices, Bernadette et Chrystel seront, elles aussi condamnées pour diffamation après avoir révélé des actes de maltraitance.


En novembre 2013, suite au signalement de Céline Boussié, l’ARS rend public un rapport daté de juillet 2013. Ce rapport de 400 pages pointe des dysfonctionnements susceptibles d'affecter la santé, la sécurité, le bien-être physique et moral, le respect de la dignité et de l'intimité des jeunes accueillis.

Un combat pour l’intérêt général

Toute l’équipe de direction, soit 7 personnes sont mises en examen. Le Parquet doit maintenant décider des suites qu’il donnera à l’affaire. Il peut prononcer un non-lieu ou décider de poursuivre les mis en examen devant le tribunal correctionnel. Ils encourent une peine de 2 ans de prison et 30000 euros d’amende.

 

L’avocate de Céline Boussié déclare « S’il y a une issue favorable, elle viendra  renforcer ce que j’appelle « la jurisprudence Boussié », la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de Toulouse ».

Pour Céline Boussié, ce procès, s’il doit se tenir, ne doit pas être le procès des seuls dirigeants de l’ex IME, il doit aussi servir d’exemple.

 

S’il faut un exemple pour que les pratiques professionnelles et institutionnelles évoluent, autant que ce soit cette affaire. Elle est emblématique car le premier signalement remonte à 1995. Et les lanceurs d’alerte qui m’ont précédé n’ont pas été entendus. C’est aussi pour eux que je me bats. Ce n’est pas mon combat mais un combat d’intérêt général.

 

Moussaron  1

 

Aujourd’hui, Céline Boussié se reconstruit doucement. Elle a écrit un livre (Les enfants du silence) qui retrace ses années de combat, de doute et d’espoir. Elle continue à lutter contre la maltraitance et le non-respect de la convention relative aux droits des personnes handicapées.

Mon combat est et restera pour les enfants et leurs familles

Repris en juin 2019 par le groupe Clinipole, l’ex IME Moussaron a été rebaptisé IME Terre d’envol. Son nouveau directeur assure que les ex dirigeants mis en examen n’y travaillent plus. 

 

Par Eric Marlot

 

Source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/occitanie/gers-lanceuse-alerte-celine-boussie-n-y-croyait-plus-dirigeants-moussaron-mis-examen-harcelement-1781595.amp?__twitter_impression=true&fbclid=IwAR29F1_DaO1yGrHZ1L9bKBlvtcgGG3P6KVIZ1xm1mWMhoDxLxEHzoaJnOaw

 

 

 


03/02/2020