Les travailleurs sociaux libres

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Prévention spécialisée : « Nous ne voulons pas passer du paradigme de l’action sociale à celui de la prévention de la délinquance » (APSN)

 

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Marie-Pierre Cauwet, directrice de l’APSN.

 

Voici un article très intéressant publié dans la revue ASH le sur la prévention spécialisée

 

TSL partage l'avis de Marie-Pierre Cauwet directrice de l'APSN qui déclare : "nous observons depuis le plan pauvreté, que « l’aller vers » est devenu le leitmotiv de beaucoup de structures. Tout le monde s’en empare, comme si chacun pouvait le mettre en place et que ça allait de soi. Cela génère de la confusion, car il s’agit quand même de la spécificité de la prévention spécialisée et que cela nécessite de vraies compétences, des formations et un accompagnement".

 

Prévention spécialisée : « Nous ne voulons pas passer du paradigme de l’action sociale à celui de la prévention de la délinquance » (APSN)

 

Dans un plaidoyer publié la semaine dernière, l’Association de prévention spécialisée nationale (APSN) exprime un certain nombre d’inquiétudes liées au déploiement par l’Etat de « bataillons de la prévention spécialisée ». Le centre ressources rappelle notamment l’importance de reconnaître la prévention spécialisée comme compétence obligatoire des conseils départementaux et des métropoles.
Le point avec Marie-Pierre Cauwet, directrice de l’APSN.
 

Actualités sociales hebdomadaires : Quelles sont les craintes des acteurs de la prévention spécialisée ?

 

Marie-Pierre Cauwet : La prévention spécialisée reste le maillon faible de la protection de l’enfance et les doutes que nous exprimons ne datent pas d’aujourd’hui. Pour rappel, il y a eu en 2019 un vadémécum au niveau national. Différentes aides sont ensuite venues abonder la prévention spécialisée de façon ponctuelle et, dernièrement, le gouvernement a annoncé le déploiement de « bataillons de la prévention spécialisée », par le biais du CIPDR [comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, ndlr]. Il était pour nous primordial de rappeler ce qu’est l’essence de la prévention spécialisée. Il s’agit d’une action socio-éducative de l’action sociale dans le cadre de la protection de l’enfance pour les mineurs ou de l’insertion pour les majeurs. Nous ne voulons pas passer du paradigme de l’action sociale à celui de la prévention de la délinquance et de la radicalisation. Voilà pourquoi nous demandons, à nouveau, que cela reste une compétence du département ou de la métropole afin de ne pas démultiplier les sources de financement, et de ne pas se retrouver avec des missions pouvant être en contradiction les unes avec les autres. Il est nécessaire d’élaborer un texte réglementaire définissant les orientations doctrinales fondamentales.

 

Nous ne sommes évidemment pas contre les moyens supplémentaires, mais nous souhaitons qu’il y ait un cadre, comme pour n’importe quelle autre action sociale. Ce n’est pas parce que nous sommes « hors les murs » que nous sommes soumis à d’autres règles que les établissements sociaux et médico-sociaux.

 

ASH : Vous alertez également sur la pérennité des moyens…

 

M.-P. C : Au sein de ces « bataillons de la prévention spécialisée », un terme vraiment malheureux, il doit y avoir des éducateurs spécialisés qui interviendront pour une durée de 18 mois et des médiateurs pour une durée de trois ans. Lorsqu’on sait le temps que ça demande de s’ancrer dans un territoire, 18 mois ce n’est rien du tout. Tout cela ne peut pas être envisagé comme un « one shot » en espérant régler de manière mécanique tel ou tel problème. La dimension socio-éducative s’inscrit dans la durée. Nous avons réalisé des études sur la question du lien entre les jeunes et les éducateurs qui montrent l’importance de la disponibilité des professionnels et de la durée de notre action. Ce lien est spécifique à l’intervention « hors les murs », nous ne pouvons pas le fragiliser. Comment les habitants des quartiers prioritaires de la ville vont-ils juger le déploiement de ces « bataillons » ? C’est très stigmatisant. Il est déjà difficile pour les éducateurs de nouer des relations dans la rue, s’ils sont repérés comme étant plutôt du côté de la sécurité que de la relation éducative, le travail de terrain va devenir d’autant plus compliqué. Et le recrutement aussi.

 

ASH : Quelles sont vos autres revendications ?

 

M.-P. C : Il faut qu’il y ait davantage de sensibilisation à la prévention spécialisée dans les centres de formation. La relation socio-éducative dans la rue n’a rien à voir avec une intervention au sein des structures. Pour des gens qui ne sont pas formés, ce n’est pas simple du tout. Il est également essentiel d’agir d’un point de vue statutaire, sur les conditions salariales de ces professionnels qui travaillent en horaires décalés. La prévention spécialisée est le seul champ qui reste vraiment ancré dans les territoires. Lorsqu’il y a des soucis, l’Etat et les communes font appel à nous. Ils reconnaissent donc d’une certaine manière nos compétences, mais cette reconnaissance ne s’étend pas au niveau national.

Par ailleurs, nous observons depuis le plan pauvreté, que « l’aller vers » est devenu le leitmotiv de beaucoup de structures. Tout le monde s’en empare, comme si chacun pouvait le mettre en place et que ça allait de soi. Cela génère de la confusion, car il s’agit quand même de la spécificité de la prévention spécialisée et que cela nécessite de vraies compétences, des formations et un accompagnement.

 

Auteur

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE NAHMIAS



17/05/2021

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